02 – Jérusalem Est, Sheikh Jarrah

* apartheid Sheikh Jarrah *

« WE LIVE THROUGH THIS »

Sheikh Jarrah

Le désormais célèbre Sheikh Jarrah est un quartier de East Jerusalem où vivent 28 familles réfugiées, menacées d’expulsion et placées dans ce quartier par décision internationale.
Nous sommes accueillis dans la cour d’une des familles, la famille Al Kurd, celle de la fameuse maison aux deux portes. La maison coupée en deux, où la partie plus récente, agrandissement construit à l’origine pour le fils de la famille, est squattée par des colons, eux-mêmes protégés par un milicien privé, qui sort de sa guérite dès qu’on lui téléphone, pour traverser la cour et les accompagner à la porte, avant de les voir disparaître derrière les volets sempiternellement fermés.

(Quand les informations arrivent vite, je note parfois directement en (mauvais) anglais. Complexe, à recouper donc)

* entrée d’une maison palestinienne occupée par des colons *

28 familles palestiniennes sont menacées d’expulsion. La situation a été médiatisée visiblement pas assez.

Le 6 juillet, les colons profitent qu’une famille est à l’hôpital pour tout simplement accaparer la moitié de la maison. Depuis 3 semaines les colons s’y succèdent, une décision de justice a donné raison aux Palestiniens, mais l’ordre d’expulsion des colons n’est de toute façon pas appliqué ; ce qui se retourne au final contre les propriétaires du logement.

* la guérite du milicien, jeux d’enfant et drapeaux israéliens *

Les internationaux viennent, peu nombreux mais présents, soutenir et peut être empêcher par leur présence pleine de passeports, d’autres exactions. Un milicien, sort de temps à autre de sa guérite et passe volontairement plusieurs fois par le toit pour redescendre crânement dans la cour des gens, devant les familles et devant nous. Des colons voisins prennent la pose, bébé dans les bras et sous le drapeau israélien. « Sans vergogne » est l’expression de choix.

* we will never leave *

Nous écoutons le patriarche, nous décrire la situation, l’absurdité. Les colons qui vivent là, dans sa maison à lui, et avec des enfants. Il nous apprend que la famille de colons qui a logé un moment (rotation) a amené d’autres enfants (par bus) pour jouer dans la cour qui leur est commune.

* tract de Judaism against Zionism *

Il nous dit bien que la présence des internationaux à leurs côtés est essentielle car elle dissuade l’armée d’intervenir. Une présence jour et nuit est organisée notamment par ISM. Nous avons donc proposé d’y dormir deux nuits dans les derniers jours de la mission, ce qui est accepté avec beaucoup de joie et de chaleur.

Nous craignons l’évolution de la situation cet hiver si la présence des internationaux s’amoindrit.

* la maison Al Kurd, la porte fermée est celle de la partie de la maison occupée par les colons *

Une des femmes palestiniennes présentes lance un message assez poignant, qui pourrait être une de nos conclusions de ce premier jour :

« Vous arrivez en plein tragédie, et même si vous restiez une semaine, vous ne comprendriez pas. C’est très difficile à expliquer, ce que nous vivons. Ceci (nous montrant les deux portes côte à côte, celle des palestiniens et celle envahie par les colons) n’est qu’un infime exemple de ce que nous subissons quotidiennement. Nous traversons cette vie-la. « 

* face à la cour *

Echanges, bribes.
« Les réfugiés ont demandé trois choses : food, health, education. Les Israéliens ont accepté pour la nourriture.

* entrée de la cour *

En 1956, les Israéliens ont dit que les Palestiniens pourraient aller dans l’ancienne Palestine, à condition de donner leurs appartements en Jordanie. (…)
Ce qu’ils font, ils entrent dans un appartement vide, et ils cassent tout. (…)
During six days, Israël was occuped (…)
In 72 : the jewish religious submittet 4 turkish documents. Their constitution said that no jewish could enter into Palestine. They accepted this document without looking good. Honourship. They transfered this turkish document. Il became official, legal, after ten years. (…)
Certificate, honourship. He took our money.
In 2008 we say : leave us to live in peace… But they didn’t
.

* end of zionism = peace / et mme Al Kurd *

200 « unités de colonisation » ont été placées ici pour bloquer le quartier. C’est ici que les choses se sont accélérées. « Ils ne veulent plus d’Arabes à Jérusalem. C’est un procédé mathématique et systématique. »

Le 6 juillet, une famille a été évacuée. « We’re standing by and support ». Hier, une visite de soutien de Juifs antisionistes. « They have no trust in Israeli justice ».

* Dessins et articles sur le mur de la maison *

Où l’on reparle du mur.

La Cour Pénale Internationale a déclaré que le mur était illégal, mais les USA les supportent.
« Ils se comportent avec les Palestiniens comme avec des tribus indiennes… Et ceci n’est qu’un ‘very small example’. Il est très important de servir de document, de preuve, pour les générations futures, pour dire ce qu’était la démocratie selon les USA et Israël ».
« L’occupation » de la cour par les internationaux a lieu ici depuis trois semaines. Les familles réfugiées sont contentes du soutien européen mais aussi américain, car ainsi « ils voient ce qui se passe ici ».

« Le premier jour, le consul français, Alain Rémy, est venu dans cette cour. Il est venu trois fois. Nous lui avons donné un message pour Nicolas Sarkozy qui est président de l’Europe pendant six mois. »

* dessins sur le mur de la maison *

En 2003, pendant que la famille en question était à l’hôpital, les colons sont venus, ils ont cassé. Les colons étaient là avec le soutien des soldats. Maintenant, les colons changent tout le temps pour que leurs noms changent, et que l’on ne puisse pas les attaquer en justice.

* la cour de Sheikh Jarrah, de nuit.
Parfois des colons passent en ‘fausse’ visite, se postent devant les dessins, goguenards. Nous avons pour consigne de ne pas répondre aux provocations. *

Une femme palestinienne nous lâche ceci (V.O. De la citation plus haut) : « It’s very hard to explain. What they have done to us since 40 years. You come for a week, and you feel in a whole tragedy, and you didn’t have seen anything. It’s our life, we live through this. »

* techniques de résistance non-violente, si besoin, s’enchaîner façon Greenpeace. Nous ne les avons pas utilisées *

* un colon sort, mais cette fois il n’est pas accompagné par le milicien de l’entrée du quartier *

* et il passe devant nous, comme si nous n’existions pas. Ainsi que devant ‘son’ volet fermé *

* colons face à la cour, plus haut que nous. Visites régulières, ainsi que du milicien *

Voici (en anglais… Je n’ai pas pris le temps d’en faire une traduction fiable) un des argumentaires récupérés sur place :

The Sheikh Jarrah neighborhood committee – press release

The families are resolute in their struggle against Israeli colonization

The Israeli Supreme Court on 16 07 2008 issued an order to evict Al Kurd Family ; the father Mohammad Al Kurd who is partially paralyzed and suffers from diabetes and heart problems, the mother Fawzieh Al Kurd and their five children, from their home in the Sheikh Jarrah neighborhood of Jerusalem where they lived since 1956. The court’s ruling is the result of a long legal battle Al Kurd family fought togethet with another 27 Palestinian families against groups of Jewish Settler organizations who falsely claim property of the land.

Al Kurd’s house is part of a housing project the Jordanian government built with the United Nations Refugee and Welfare Association (UNRWA) to house 28 palestinian refugee families who fled their homes in 1948. It was agreed then that ownership of the houses will be transferred to the families within three years in return for the food assistance the families receivde from UNRWA.

Shortly after the 6 days in 1967 two groups of Jewish settlers known as the Oriental Jews Associations and the Knesseth Yisrael Association were successfull in falsely claiming property of the land. In 1972 they managed to register the land – 28 dunums – in their name with the Israeli Land registrar.

In 1982 the two associations filed suits against the families claiming their property rights. The families appointed a lawyer by the name of Tosya Cohen to defend their case. The lawyer without prior knowledge of the families reached an agreement with the settlers associations where he recognized the settlers’ ownship of the land in return for granting the families the status of protected residents according to the law.

The families refused to accept this agreement, relieved Tosya Cohen from representing them and refused to pay the rent.

As the families refused to pay the rent to the settlers’ organizations, eviction orders were issued to a number of families including Al Kurd family.

Upon further investigations and legal proceedings that continued until 2006, it became clear that the settlers’ associations did not own the land. The families’ present lawyer Mr Houssni Abu Hussein petitioned the land registration department to revoke the settlers’ registration of the land of 1972 and to issue an order to state the rightful owner of the land.

The land registration department agreed on November 2006 to the first demand and revoked the ownership of the settlers’ associations but refused to issue an order to conduct a rezoning of the area necessary to declare the rightful ownership of the land. The refusal was based on political reasons.

The Israeli courts however did not admit the new developments in the case and most importantly the decisions made by the land registry department. The families had no other coice but to appel to the Israeli Supreme Court in order to issue an order compelling the land registry department to conduct the rezoning of the area and to annul all documents related to the settlers’ rights to the land.

It is worth nothing that the Israeli courts decision to evict Al Kurd family was based only on the agreement made by the settlers and Tosya Cohen in 1982. The Israeli courts deliberately neglected all new evidence brought forward that should automatically discredit that agreement.

The two settlers’ associations sold their claim to property to a settlers’ investment company by the name of Nahlat Shemoun. In February 2008, the company submitted a project to the Israeli municipality of Jerusalem in which the company proposes to demolish the 28 homes and build 200 settlement units to house new Jewish immigrants. The project includes a commercial centre.

At present the families are awaiting the Supreme Court’s décision to freeze the eviction orders and to oblige the land registry to rezone the area.

In 2001 a group of settlers broke into a part of Al Kurd’s family house. On 25 02 2007 the Israeli Supreme Court issued an order to evict the settlers. The eviction order has not been implemented until the present day.

The Sheikh Jarrah neighborhood committee formed to collectively work against the settlers’ schemes and protect their rights to their homes :

1-considers the Israeli legal system a mere tool manipulated and used by the Israeli political system. The israeli judiciary systems proved yet again to be void of basic legal credibility. This system operates with one objective in mind and that is to ensure and serve Jewish interests overriding all other rights in the country.

2-strongly condemns the Israeli Supreme Court’s decision to evict Al Kurd family from their home and considers its an unjust and unlawful.

3-warms that if Israel succeeds in evicting Al Kurd family this will set a dangerous precedence that will pave the way for further evictions.

4-reiterates the fact that the planned eviction is part of a plan to implant a new Jewish settlement in the area.

5-calls on the parties involved in the housing project (the Jordanian Government and UNRWA) to rise up to their historical obligations to protect the residents and to exert pressure on Israel to stop the eviction of the families.

6-urges the international human rights organizations, the UN, the EU, the Quartet and Tony Blair, and Peace Camp in Israel to put pressure on Israel to stop it from pursuing its plan of eviction and demolition.

We, the Sheikh Jarrah Neighborhood Committee emphasize and reiterate our right to stay in our homes in Jerusalem, our Palestinian capital, and declare our opposition to and rejection of this order. We call on our people and our political factions to rise up and support us in protecting us against this unjust order. We are aware that this is part of the wider scheme to settle in East Jerusalem and to enhance the small settlements scattered all over Jerusalem and especially in and aroud Old City, areas of Wadi Al Joz, the Mount of Olives, Ras Almoud, and that will eventually connect to the big colonies surrounding Jerusalem. The ultimate goal is to evict the Palestinians from Jerusalem and annex their land.

Jerusalem, 21 July 2008

The Sheikh Jarrah Neighborhood Committee calls

email : amalalqasem@hotmail.com

* entrée du quartier Sheikh Jarrah, de nuit *

Dans la cour Al Kurd, les nuits sont brèves et fraîches – nous sommes nourris abondamment,  et extrêmement bien reçus, mais n’avons pas pensé aux duvets. Il y a du monde, d’un peu plein de pays, qui viennent, et des gens du quartier, on écoute, on discute pendant des heures, on veut y croire. On se dit que c’est bizarre que ça n’aie pas été plus relayé « chez nous », tout ça.

* drapeaux, de nuit *

Un soir où nous retournons dormir dans cette même cour, quatre colons débarquent vers 23h30. Un couple, une femme, et une fille de quatorze ans environ. Ils traînent autour des panneaux, rigolent. La fille, short en jean, débardeur et longs cheveux au vent (ce qui est évidemment une provocation de base quand on sait que la nudité est tout à fait taboue ici), s’accroupit devant nous, assis par terre sur un matelas de mousse. On est trois ou quatre. Les autres dorment. Elle nous fait un grand sourire. Elle a un appareil dentaire. Les trois autres zonent un peu à l’entrée, restent dans son champ de vision.
Elle sort un petit carnet style A5 et un crayon à papier, toujours en souriant, et là, nous dit : « I’m a journalist. I’m press. You are french ? You are turists ? Why are you staying here ? Don’t you want to visit our beautiful country ? You should visit beautiful places, the sea ! » Elle rigole de plus en plus. On parle français entre nous, très vite, pour ne pas envenimer, ne pas mettre encore plus à mal la famille AK — et il faut bien dire, pour juguler la tentation palpable de notre acolyte E. toujours prêt à en découdre, de lui répondre vertement !
Et nous voilà, à trois filles, à le tancer ou l’implorer, pendant qu’il la fixe, de plus en plus remonté, et elle de plus en plus hilare : « putain, E. arrête, ne lui réponds pas ! Tu vois bien qu’elle n’est pas de la presse, enfin, elle a quatorze piges cette fille, et elle vient à minuit avec son short, son appareil dentaire et son carnet pourri, pour se foutre de nous !! » Partagés entre le rire et l’écoeurement. Tout le monde tient bon. Une partie de la famille, assise à quelques pas, nous félicitera ensuite, avec cette joie triste des faibles victoires, de ne pas avoir glissé vers un échange inutile. Et le coup de parler français, ils ont adoré.
…Cette nuit, en retranscrivant cette anecdote, je vois bien à quel point la communication est fissurée depuis longtemps, et la vanité (celle de nous tous comme de nos ‘visiteurs’) de tout cela. Mais je peux dire que nous avons pris, de la part de Mme Al Kurd, une immense leçon de dignité. Celle, entre autres, de ne pas répondre à *ça*.

* le départ de la « journaliste », et quelque chose comme nos ombres *

…Quelques mois après notre passage, la famille Al Kurd sera effectivement complètement expulsée, après des années de combat et de soutiens de partout. Premier maillon à sauter de cette chaîne de 28 familles.
Malgré les défilés de militants, malgré les diplomates, malgré le Net, malgré les dizaines de dessins, peintures, slogans, articles, épinglés partout dans la cour.
Mr Al Kurd, gravement malade depuis des années, décèdera deux jours après l’expulsion.
Référence affichée à l’Afrique du Sud, le mot « apartheid » signifie « séparation » en langue afrikaans.

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